D. Auberson: Ferdinand Lecomte

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Titel
Ferdinand Lecomte 1826-1899. Un Vaudois témoin de la guerre de Sécession


Autor(en)
Auberson, David
Erschienen
Lausanne 2012: Bibliothèque historique vaudoise
Anzahl Seiten
230 S.
Preis
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Jerôme Guisolan

En 2008, sous le titre Ferdinand Lecomte 1826-1899. Journaliste, officier et grand commis de l’État et sous la direction d’Olivier Meuwly et Sébastien Rial, paraissaient les actes du colloque mis sur pied en décembre 2007 par le Cercle démocratique Lausanne et le Centre d’histoire et de prospective militaires. Ce colloque avait abordé les différents versants de la vie du personnage pluriel et atypique qu’est indubitablement Ferdinand Lecomte.

Rédacteur dès 1850 au Nouvelliste vaudois, il sert le radicalisme vaudois alors à son apogée. Il fut, dès l’année suivante, le fondateur de La Guêpe, journal satirique. Il fut également fondateur de la Revue militaire suisse, devenant dans la foulée son premier rédacteur en chef (1856-1895). Les écrits militaires rédigés par Lecomte lui assurèrent une renommée dans l’Europe entière. À ce titre, il fut le premier biographe du général Jomini (1860) et signa trois tomes consacrés à la guerre de Sécession (1866-1867). Lors de cette guerre, ce radical progressiste se montra favorable aux antiesclavagistes. Il effectua le voyage à travers l’Atlantique, une première fois en 1862, puis une seconde fois en 1865, pour observer la guerre de Sécession, alors même qu’il occupait le poste de bibliothécaire cantonal (1860-1875). Après la guerre civile américaine, de retour en Suisse, sans avoir accompli d’école de recrues, le colonel-divisionnaire Lecomte devint chef d’état-major de la IIe Division 1870, division dont il prit le commandement en 1875 pour l’exercer jusqu’en 1891. Puis vint la fonction de chancelier de l’État de Vaud (1875-1899). À considérer enfin que, bien que désigné en 1881 par le Parti radical pour occuper un siège au Conseil d’État, il refusa de se porter candidat.

Alors que les actes du colloque susmentionné font pourtant déjà état de l’expérience outre-Atlantique de Ferdinand Lecomte (David von Felten, «Ferdinand Lecomte et la guerre de Sécession», pp. 125-140), David Auberson s’est engouffré dans la brèche ainsi ouverte et il a poursuivi le travail amorcé. Dans la publication issue de son mémoire de licence soutenu en 2009 à l’Université de Lausanne et préfacée par Jean-Jacques Langendorf, il propose une analyse rigoureuse essentiellement de l’expérience américaine de l’écrivain militaire méconnu de nos contemporains depuis plus d’un siècle.

En effet, l’ouvrage débute en constatant le faible rayonnement de la mémoire de Lecomte après sa mort. L’auteur avance des explications concomitantes à ce propos qui ne surprennent guère: la mauvaise perception de la chose militaire, des radicaux et du genre biographique dans le monde académique vaudois d’une part, ainsi que, du côté militaire d’autre part, l’avis tranché de Lecomte contre la germanisation de l’armée suisse et ses écrits militaires vieillissant rapidement car rédigés au sortir des conflits et parfois écornés par son manque d’impartialité paraissent avoir eu raison de l’aura de notoriété qui entourait l’aide de camp du général Grant de son vivant.

De manière à contextualiser l’engagement de Lecomte dans la guerre de Sécession, un chapitre est consacré à la perception de la guerre de Sécession en Suisse, de même qu’aux Suisses présents dans les rangs des belligérants aux États-Unis. Ils sont plus de 6000 [!], majoritairement engagés dans le camp nordiste, souvent regroupés en unités suisses ou enrôlés dans les unités de tireurs d’élite. A relever que le commandant du tristement célèbre camp de prisonniers d’Andersonville était également Suisse. Il a été exécuté à la suite de la guerre pour ce qu’il sera convenu d’appeler plus tard des «crimes de guerre», parlant des traitements infligés aux prisonniers.

Suit la biographie de Lecomte, concentrant les efforts sur la période vécue à la guerre de Sécession pour laquelle il partit en 1862, outre par grandeur d’esprit de vouloir combattre l’esclavagisme, semble-t-il, éga lement pour acquérir l’expérience des combats qui lui manquait pour progresser dans son avancement militaire en Suisse. Un paradoxe pour le citoyen d’un pays qui venait d’interdire le service étranger en 1859. De manière à appréhender la dimension humaine du personnage, des éléments plus personnels de Lecomte apparaissent toutefois, permettant de mettre l’homme en perspective et de faire état de ses préoccupations personnelles. Ainsi en est-il, par exemple, de la maladie qui l’a rendu souffrant puis aphone entre 1852 et 1855. Dès le début du voyage qui le conduit vers la guerre de Sécession, en janvier 1862, on suit Lecomte au jour le jour dans son expérience américaine. On apprend où il a logé, les conversations auxquelles il a participé. On est avec lui lorsqu’il rencontre le général MacClellan, quand il visite la bibliothèque du Congrès, au moment où il envoie une lettre accompagnée de fleurs de pêchers à Miss Custon… Très vite, après son arrivée sur le sol américain, Lecomte croit à la fin prochaine de la guerre. Il craint même de ne pas y être confronté… Pourtant, il verra le siège de Yorktown, ne quittant ce dernier que pour réintégrer promptement son poste de bibliothécaire cantonal, menacé de renvoi qu’il était par le Conseil d’État vaudois.

De retour au pays, Lecomte, promu lieutenant-colonel de l’armée suisse, témoigne. De la guerre tout d’abord, y compris par le biais d’un rapport adressé au Conseil fédéral. Mais aussi vis-à-vis de l’esclavage, dont il veut sortir les Noirs, non pour les mettre dans la domesticité, mais pour créer une élite afro-américaine. Puis, en mars 1865, prenant cette fois la peine de demander un congé de six mois au Conseil d’État – au lieu de deux lors du premier voyage –, Lecomte repart pour la guerre de Sécession, alors sur le point de se terminer. Lors de ce second voyage, nous suivons également Lecomte à la trace, lorsqu’il arrive au quartier général du général Grant, lors de sa rencontre avec le président Lincoln, lors de la capitulation de Richmond ainsi que lors des funérailles du président Lincoln. Heurté ensuite par les combats contre les Indiens, perçus comme une extermination, Lecomte rentre à Lausanne en automne 1865. C’est à ce moment qu’il rédige ses trois volumes consacrés à la guerre de Sécession.

Dans un chapitre conclusif, l’auteur traite enfin des répercussions de la guerre civile américaine en Suisse, essentiellement sur l’armée suisse et son armement, ainsi que sur les relations américano-suisses, de même que de l’avenir de Lecomte. Ce dernier se marie, a des enfants, mais voit sa laryngite reprendre de plus belle. Il devient à nouveau aphone jusqu’en 1873, cet état entravant sa carrière militaire au moment de la guerre de 1870. Il devait être chargé du rapatriement des soldats français, à défaut d’être sur le terrain, mais doit renoncer étant donné son état de santé. Il a toutefois occupé le poste de commandant de la place de Lausanne avant l’arrivée des Français (ACV, K XV a, 454). Il poursuit ses publications militaires avant d’être nommé colonel-divisionnaire et Chancelier du canton de Vaud en 1875. Il occupera ce poste jusqu’à sa mort «bien bourgeoise et civile» (p. 181), en 1899, après avoir déjà dû abandonner son commandement en 1891 pour des raisons de santé.

Les annexes débutent avec une série de vingt-neuf notices biographiques (et non bibliographiques comme indiqué sur la table des matières) relatives aux principaux personnages rencontrés dans l’ouvrage. Il convient de relever que ces notices sont agrémentées d’une courte bibliographie propre. La bibliographie de l’ouvrage, riche, est quant à elle réunie à la fin du volume, dans les annexes, mais elle est de surcroît explicitée après l’intro duc tion et bien entendu signalée dans les notes. Toujours utile dans ce type de publications, un index des noms de personnes complète l’ouvrage avant l’état des sources iconographiques, tandis que, dans le texte, deux cartes des opérations, déjà présentes dans l’article publié par David von Felten, suivent le parcours de Lecomte lors de la guerre de Sécession.

À relever in fine que si l’auteur précise que les historiens américains ont été les premiers à s’intéresser à Lecomte, il signale aussi qu’il ignore l’existence et la localisation de sources le concernant aux États-Unis. Peut-être le prélude d’une seconde vague d’assaut de l’auteur? Pour l’heure, tout au plus, les crédits iconographiques font-ils référence à deux images provenant de la Bibliothèque du Congrès de Washington. Cela permet de conclure en mentionnant que l’ouvrage est agrémenté de nombreuses illustrations, dont plusieurs reproductions de documents d’archives inédits.

Zitierweise:
Jerôme Guisolan: Compte rendu de: David AUBERSON, Ferdinand Lecomte 1826-1899. Un Vaudois témoin de la guerre de Sécession, Lausanne: Bibliothèque historique vaudoise (BHV 136), 2012. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 302-304.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 302-304.

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